1. Contexte : Ranma ½, un phénomène culturel japonais
À la fin des années 80, Rumiko Takahashi est déjà une figure majeure du manga japonais grâce à Urusei Yatsura (Lamu). Mais c’est avec Ranma ½, lancé en 1987 dans le Weekly Shōnen Sunday, qu’elle signe l’un des plus grands succès de la décennie.
Mêlant arts martiaux, comédie romantique et fantastique absurde — Ranma se transforme en fille au contact de l’eau froide ! —, la série devient rapidement un phénomène au Japon : adaptation animée, produits dérivés, et bien sûr… jeux vidéo.
Avant même que les consoles 16 bits ne s’emparent du phénomène, les ordinateurs japonais comme le PC-98 de NEC sont parmi les premiers à accueillir des adaptations vidéoludiques.
C’est dans ce contexte que sort Ranma ½: Hiryuu Densetsu le 20 décembre1991, un titre développé par Atelier Double et édité par Masaya, avant que les futures versions console ne popularisent la licence dans le monde entier.
2. Un jeu de combat narratif avant l’heure
Loin d’être un simple versus fighting sans scénario, Hiryuu Densetsu se présente comme une aventure de combat scénarisée.
Le joueur incarne Ranma Saotome, plongé dans une succession de duels ponctués de dialogues et de transitions inspirées du manga.
Le ton humoristique est respecté : les répliques, les animations expressives et les clins d’œil aux personnages secondaires (Akane, Ryoga, Shampoo, Mousse, Happosai) ancrent le jeu dans l’univers farfelu de Takahashi.
Chaque combat est précédé d’un bref échange scénaristique, et les affrontements alternent entre lieux emblématiques de Nerima et décors originaux, dessinés avec soin malgré les limites du support.
On retrouve ici un équilibre précaire mais audacieux entre jeu de baston et visual novel — un mélange encore rare à l’époque.
3. Le PC-98 : un terrain d’expérimentation graphique
Le PC-9801, fleuron du marché japonais des ordinateurs personnels, n’était pas destiné à la base au jeu vidéo. Mais sa palette graphique étendue (jusqu’à 4096 couleurs) et ses capacités sonores correctes pour l’époque en ont fait un support apprécié des développeurs nippons.
Dans Hiryuu Densetsu, les graphismes font honneur à la machine :
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Les portraits sont très expressifs, fidèles au design de Rumiko Takahashi.
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Les sprites des combattants sont grands, colorés, et bénéficient d’un certain sens du mouvement.
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Les fonds sont travaillés avec une belle densité de détails, souvent supérieurs à ce que l’on retrouvait sur Famicom.
L’animation, en revanche, reste limitée : les mouvements sont parfois rigides, et la fluidité varie fortement d’un personnage à l’autre.
Mais pour un jeu PC-98 de 1991, la réalisation visuelle est considérée comme honorable et fidèle à la série.
4. Un système de combat encore expérimental
Le gameplay de Ranma ½: Hiryuu Densetsu repose sur des affrontements en un contre un, avec gestion de la distance, des sauts, et de quelques attaques spéciales.
Cependant, il n’a rien de la nervosité d’un Street Fighter II, sorti la même année :
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Les commandes répondent bien mais manquent de rapidité.
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Les coups spéciaux nécessitent des combinaisons parfois capricieuses.
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L’intelligence artificielle varie entre la mollesse et l’agressivité incohérente.
Le jeu s’adresse donc plus aux fans de l’anime qu’aux véritables amateurs de baston pure.
L’aspect narratif, en revanche, lui confère une certaine originalité : on progresse dans une succession de duels scénarisés où les interactions entre personnages comptent autant que la victoire elle-même.
5. Bande-son et ambiance : une adaptation respectueuse
Le PC-98 ne disposait pas d’une carte sonore standardisée, et la qualité audio dépendait souvent de la configuration de l’utilisateur (notamment la présence d’une carte FM).
Dans les meilleures conditions, Hiryuu Densetsu propose des musiques dynamiques et des bruitages agréables, reproduisant fidèlement l’esprit de la série.
On y retrouve les thèmes principaux de l’anime dans des versions FM synthétisées, immédiatement reconnaissables.
L’ensemble dégage une ambiance charmante, presque artisanale, entre hommage sincère et technologie naissante.
6. Réception et héritage
Au Japon, Ranma ½: Hiryuu Densetsu a connu une carrière discrète mais respectée.
Les magazines spécialisés de l’époque (notamment LOGiN et Oh!PC) saluèrent son esthétique fidèle au manga, tout en pointant un gameplay trop lent.
Sa notoriété a surtout grandi a posteriori, car il s’agit de la toute première adaptation "majeure" de Ranma sur ordinateur personnel, avant les versions Super Famicom et PC Engine.
Aujourd’hui, il est considéré comme une curiosité historique : un pont entre les jeux narratifs et les jeux de combat modernes, mais aussi comme un témoin précieux de l’ère PC-98, quand les adaptations d’anime étaient encore des objets d’art hybrides.
Verdict final
| Critère | Note / 20 | Commentaire |
|---|---|---|
| Graphismes | 14/20 | Belle restitution du trait de Rumiko Takahashi, décors soignés, mais animation saccadée. |
| Animation | 11/20 | Mouvement limité et parfois rigide ; on reste loin de la souplesse d’un jeu d’arcade. |
| Son | 13/20 | Musiques FM réussies et thèmes fidèles à l’anime, malgré une certaine répétitivité. |
| Gameplay | 12/20 | Simple et accessible, mais peu profond. Plaira surtout aux fans de la série. |
Intérêt global : 13/20
Ranma ½: Hiryuu Densetsu est un témoignage précieux de la culture vidéoludique japonaise du début des années 90 : un jeu imparfait mais sincère, animé par l’envie de donner vie à un univers culte.
Il ne rivalise pas techniquement avec les grands titres d’arcade de 1991, mais il captive par sa fidélité, sa personnalité et sa dimension narrative.
Un morceau d’histoire, à la croisée du jeu de combat et du visual novel, à redécouvrir pour ce qu’il est : une curiosité attachante et un jalon dans la longue histoire des adaptations de mangas.