Histoire des jeux vidéo

Prince of Persia (Super Nintendo, mars 1993)

Quand la légende du sabre et du sable s’offre une renaissance en couleurs

Illustration

1. Un classique réinventé pour la console de salon

Sorti initialement sur Apple II en 1989, Prince of Persia s’imposa comme un jalon dans l’histoire du jeu vidéo grâce à son animation fluide et son ambiance orientale envoûtante. Quatre ans plus tard, la Super Nintendo accueille une adaptation ambitieuse signée Masaya et publiée par Konami au Japon (et par Nintendo en Europe), qui ne se contente pas de reproduire l’original, mais réinvente le jeu de Jordan Mechner à la manière d’un film d’aventure épique.
Les bases demeurent identiques : sauver la princesse enfermée par le vizir Jaffar avant la fin du sablier fatidique. Cependant, le portage sur Super Nintendo enrichit considérablement la formule, lui conférant une ampleur visuelle et sonore inédite pour l’époque.


2. Un bond graphique saisissant

Dès l’introduction animée, on comprend que la version Super Nintendo vise plus haut : décors redessinés, palette de couleurs étendue, animations plus fines, tout respire la maîtrise technique. Les niveaux gagnent en verticalité et en complexité, avec des jeux d’ombres, des reflets et des arrière-plans dynamiques qui donnent une impression de profondeur rare pour un jeu de plates-formes de 1993.
Le Prince bénéficie de nouvelles postures et d’un charisme rehaussé, presque cinématographique, tandis que les ennemis arborent des armures détaillées et variées. La fluidité de l’ensemble reste exemplaire, témoignant d’un savoir-faire impressionnant de la part de Konami sur la 16-bit de Nintendo.


3. Une aventure enrichie et plus narrative

Si l’objectif global reste le même, le contenu a été élargi : la version Super Nintendo comprend vingt niveaux au lieu des douze originaux, des boss inédits, et un scénario un peu plus développé, notamment grâce à des cinématiques entre les chapitres.
L’atmosphère orientale, déjà marquante sur Apple II, devient ici somptueuse grâce à une bande-son symphonique signée Yukie Marikawa, d’inspiration persane, où flûtes, percussions et cordes se mêlent pour créer une tension dramatique continue. Les pièges, eux, gagnent en variété : pics surgissants, dalles piégées, miroirs magiques, portes à temporisation — de quoi tester à la fois les réflexes et la mémoire du joueur.


4. Un gameplay fidèle mais plus souple

Le gameplay, basé sur la précision des mouvements et la mémorisation des environnements, conserve la philosophie de l’original. Chaque saut, chaque accrochage, chaque coup d’épée requiert un timing millimétré.
Cependant, la version Super Nintendo adoucit quelque peu la rigidité du Prince : les commandes répondent plus souplement, les collisions sont mieux gérées, et la difficulté, bien que toujours exigeante, devient plus progressive. Le jeu se transforme ainsi en une expérience plus fluide et accessible, sans sacrifier son exigence.
Le sabre garde toute son importance : les affrontements, nerveux mais élégants, tirent parti d’une animation plus détaillée, avec des duels qui ressemblent à de véritables chorégraphies.


5. Un héritage magnifié par la technologie 16-bit

En passant de l’univers monochrome et minimaliste de l’Apple II à la richesse visuelle de la Super Nintendo, Prince of Persia démontre à quel point une œuvre fondatrice peut être transcendée sans être trahie.
Ce portage n’est pas une simple mise à jour, mais un hommage, un prolongement fidèle de l’esprit original. Il anticipe d’ailleurs la transition que connaîtra la série avec Prince of Persia 2 : The Shadow and the Flame un an plus tard, où la narration et l’ambiance prendront une importance encore plus grande.


Verdict final

Critère Note /20 Commentaire
Graphismes 18/20 Superbe réinterprétation visuelle : décors riches, animations fluides et atmosphère envoûtante.
Animation 17/20 Rotoscopie sublimée par la puissance 16-bit, le mouvement du Prince est d’une souplesse quasi cinématique.
Son 18/20 Bande-son orientale inspirée et effets sonores immersifs, qui donnent vie aux palais et aux souterrains.
Gameplay 16/20 Fidèle à l’original tout en étant plus réactif ; une difficulté encore marquée, mais mieux équilibrée.
Intérêt global 17/20 Une version somptueuse, magnifiée par les capacités de la Super Nintendo, qui parvient à marier nostalgie et modernité.

Intérêt global

Prince of Persia sur Super Nintendo reste aujourd’hui l’un des portages les plus respectueux et les plus réussis d’un jeu culte. En enrichissant le contenu sans dénaturer l’essence du chef-d’œuvre de Jordan Mechner, cette version démontre combien le passage de l’informatique domestique aux consoles de salon a permis au jeu vidéo de devenir une expérience artistique complète.
Un classique intemporel, à la fois exigeant et poétique, qui mérite encore pleinement sa place dans l’histoire des jeux de plates-formes.