Après ses déclinaisons sur Super Famicom, PC Engine CD-ROM² et Mega-CD, la saga 3x3 Eyes connaît une nouvelle adaptation sur PlayStation, dans un contexte ou Sony venait d'émerger en tantb qu'acteur phare du jeu vidéo. Intitulée 3x3 Eyes: Kyuusei Koushu. Sorti le 1er Avril 1995 et Développé par Nihon Create et édité par Yutaka, ce titre s’inscrit dans la continuité du manga culte de Yuzo Takada, tout en cherchant à exploiter le potentiel audiovisuel et interactif de la console de Sony, alors jeune mais déjà emblématique.
Une ambition narrative revue à la hausse
L’histoire reprend les grandes lignes du manga : Yakumo Fujii, jeune homme lié à la mystérieuse créature immortelle Pai, part en quête du secret de l’humanité perdue de cette dernière. Kyuusei Koushu ne se contente pas d’adapter quelques chapitres, il propose une interprétation étendue de plusieurs arcs narratifs, enrichis de dialogues inédits et de séquences d’exposition permettant de mieux cerner la psychologie des protagonistes.
Le jeu conserve l’approche d’un visual novel interactif, mais y insuffle un rythme plus fluide et immersif grâce à la puissance du support CD-ROM. Les scènes animées, bien que limitées, bénéficient d’une mise en scène plus maîtrisée : transitions douces, cadrages cinématographiques, doublages complets (y compris pour les dialogues secondaires) et une bande-son orchestrale, adaptée à chaque moment clé du récit.
Une PlayStation exploitée pour la mise en scène
Techniquement, 3x3 Eyes: Kyuusei Koushu ne cherche pas la démonstration graphique mais plutôt la propreté visuelle et la cohérence esthétique. Les personnages sont rendus avec un trait fidèle au manga, tandis que les décors fixes, peints à la main, profitent d’une résolution plus élevée que sur les versions précédentes. Les couleurs y sont plus subtiles, et le contraste entre ombre et lumière accentue l’atmosphère à la fois mystique et mélancolique du récit.
Là où la version Super Famicom se contentait de textes illustrés, et où la version Mega-CD s’appuyait sur des séquences audio de qualité variable, la version PlayStation offre une fusion réussie entre narration et sonorité. Le doublage intégral par les acteurs originaux de l’anime renforce considérablement l’immersion, et la bande-son, signée par un petit collectif interne, évoque à la fois l’orientalisme et la tragédie fantastique propre à la série.
Un gameplay discret mais présent
Comme souvent dans les adaptations de mangas à cette époque, l’interactivité demeure limitée : le joueur progresse en choisissant parmi des options de dialogue ou d’action qui influencent légèrement la direction des événements. Cependant, Kyuusei Koushu introduit une légère dimension d’exploration : le joueur peut visiter certains environnements, interagir avec des objets, et accéder à des scènes secondaires cachées. Ce système, bien que modeste, confère au jeu une impression d’aventure plus ouverte que ses prédécesseurs.
Une œuvre de transition entre l’ère 16-bit et la génération CD-ROM narrative
Ce qui distingue le plus 3x3 Eyes: Kyuusei Koushu, c’est son ton mature et introspectif. L’accent est mis sur la dualité entre immortalité et humanité, sur la solitude des personnages, et sur la tension entre amour et devoir. L’écriture, plus fluide que dans les versions antérieures, révèle une ambition littéraire rare dans le jeu japonais du milieu des années 1990.
L’ensemble se présente donc comme une œuvre de transition : moins rigide que les visual novels 16-bit, mais encore marquée par leur linéarité. Elle annonce déjà la montée en puissance des aventures interactives que Sony encouragera tout au long de la génération PlayStation, jusqu’à des titres comme Tokimeki Memorial ou Yarudora Series.
Verdict
Sans révolutionner le genre, 3x3 Eyes: Kyuusei Koushu se distingue par son respect profond du matériau d’origine, son équilibre narratif, et sa réalisation soignée. Il s’adresse avant tout aux amateurs du manga ou de la série animée, mais demeure une expérience intéressante pour quiconque s’intéresse à l’évolution du récit interactif japonais.
C’est un jeu contemplatif, presque littéraire, où le plaisir réside dans la beauté de l’univers et la mélancolie de son récit. En ce sens, il marque la véritable maturité vidéoludique de l’univers 3x3 Eyes, scellant la transition entre adaptation fidèle et réinterprétation artistique.
Note finale : 16/20
Un très bon visual novel d’époque, à la mise en scène soignée et à l’écriture solide, légèrement pénalisé par une interactivité limitée mais compensé par une atmosphère envoûtante et une direction artistique d’une rare élégance.