Histoire des jeux vidéo

The Snatcher version Playstation

Le cyber-thriller visionnaire de Hideo Kojima

Illustration

En février 1996, alors que la première PlayStation impose déjà son règne dans les salons japonais, un jeu atypique débarque discrètement dans les rayons : Snatcher, une aventure interactive à mi-chemin entre le film noir, la science-fiction dystopique et le polar cyberpunk. Derrière cette œuvre singulière se cache un certain Hideo Kojima, encore loin du mythe qu’il deviendra avec Metal Gear Solid trois ans plus tard.

Une genèse complexe : du PC-88 à la PlayStation

Avant d’arriver sur la console de Sony, Snatcher avait déjà connu plusieurs vies. Sa toute première version voit le jour en 1988 sur PC-88 et MSX2, deux micro-ordinateurs japonais. Kojima, alors jeune concepteur chez Konami, y expérimente un format hybride entre jeu vidéo et cinéma interactif, bien avant que le terme visual novel ne soit popularisé.

L’univers de Snatcher puise ses racines dans les grandes œuvres cyberpunk de l’époque — Blade Runner de Ridley Scott, Terminator de James Cameron ou encore Akira de Katsuhiro Otomo. Kojima y mêle enquête policière, clonage, paranoïa technologique et philosophie de l’identité, des thèmes qui deviendront sa signature.

La version PlayStation, sortie le 12 février 1996 exclusivement au Japon, constitue une refonte audiovisuelle du jeu. Elle reprend la base du portage Sega CD (Mega-CD) de 1994, mais y ajoute des graphismes retravaillés, des musiques remasterisées et des doublages plus clairs grâce au support CD-ROM. Le jeu profite aussi de la puissance 32 bits pour offrir une expérience plus fluide et cinématique.


🕵️‍♂️ Une intrigue digne des plus grands polars cyberpunk

L’action de Snatcher se déroule en Neo Kobe City, une mégalopole futuriste bâtie sur l’eau après une catastrophe biologique qui a ravagé la planète. L’histoire suit Gillian Seed, un enquêteur amnésique fraîchement recruté par la Junker Division, une unité spéciale chargée d’éliminer des androïdes meurtriers appelés « Snatchers ».

Ces créatures, mi-humaines mi-machines, assassinent leurs victimes pour voler leur apparence et infiltrer la société. Rapidement, Gillian découvre que son passé est lié à ces entités et que la vérité se cache dans un complot à l’échelle mondiale.

L’enquête se déroule sous forme de dialogues à choix multiples, d’explorations de scènes et de séquences d’action en tir au pistolet. Bien que la progression soit linéaire, la narration, les personnages et la mise en scène confèrent au jeu un souffle dramatique rarement égalé à l’époque.


💽 Un jeu d’ambiance avant tout

Le charme de Snatcher réside moins dans son gameplay que dans son ambiance. Chaque décor semble sorti d’un film noir futuriste : ruelles pluvieuses, néons saturés, musiques électroniques lancinantes.
Le compositeur Konami Kukeiha Club livre une bande-son mémorable, oscillant entre jazz urbain et synthétiseur cybernétique.
Quant aux doublages japonais de la version PlayStation, ils renforcent la dimension cinématographique, rendant les dialogues plus crédibles et immersifs.

Cette édition bénéficie aussi d’une refonte graphique subtile : portraits plus détaillés, palettes de couleurs enrichies, et interface modernisée. Le tout conserve cependant l’esthétique rétro et la direction artistique de la version Mega-CD.


🧩 Une œuvre préfigurant la philosophie Kojima

À bien des égards, Snatcher annonce les thèmes récurrents de Hideo Kojima :

Le jeu explore aussi la narration cinématique que Kojima perfectionnera dans Metal Gear Solid. Sa mise en scène, son rythme et sa densité narrative en font une véritable œuvre fondatrice de l’école “Kojimaesque”.


📀 Une rareté pour collectionneurs

Jamais sorti officiellement hors du Japon sur PlayStation, Snatcher reste un trésor de collection pour les amateurs de cyberpunk et d’histoire vidéoludique.
Sa seule version occidentale complète demeure celle du Mega-CD (1994), traduite en anglais et désormais très recherchée.
L’édition PlayStation, quant à elle, se distingue par son doublage japonais intégral et son aspect plus “cinéma interactif”, ce qui la rend particulièrement précieuse pour les puristes et les passionnés de Kojima.


🧠 Héritage et influence

Même si Snatcher n’a jamais connu le succès commercial escompté, son influence sur le jeu narratif est indéniable.
Des titres modernes comme Detroit: Become Human, Observer ou encore AI: The Somnium Files portent son héritage, tant dans la direction artistique que dans la manière de raconter une histoire complexe à travers un médium interactif.

En 1996, Snatcher apparaissait déjà comme une œuvre en avance sur son temps.
En 2025, il est reconnu comme un classique culte, un jalon essentiel dans l’histoire du jeu vidéo japonais et un témoignage fascinant de la jeunesse créative de Hideo Kojima.

Snatcher sur PlayStation demeure l’un des jeux les plus audacieux et narrativement puissants de la période 32 bits.
C’est une expérience immersive où chaque dialogue, chaque indice et chaque note de musique semble raconter une histoire plus vaste que le simple destin de Gillian Seed.
Un chef-d’œuvre méconnu, à (re)découvrir absolument pour quiconque s’intéresse aux origines du storytelling vidéoludique moderne et à la vision d’un jeune créateur qui allait bientôt redéfinir le jeu d’auteur.