Sorti en 2018 sur PlayStation 4, PlayStation Vita et Nintendo Switch, Steins;Gate Elite marque un tournant audacieux dans l’histoire du visual novel japonais.
Développé par 5pb. (aujourd’hui MAGES.) et publié par Kadokawa Games, le jeu propose une refonte intégrale du visual novel original de 2009, en fusionnant sa narration interactive avec les séquences animées de l’anime Steins;Gate (2011).
Le résultat : une œuvre hybride où chaque ligne de dialogue est accompagnée d’une animation fluide, transformant l’expérience de lecture en un véritable film interactif de science-fiction.
Un projet ambitieux : fusionner l’anime et le visual novel
L’idée derrière Steins;Gate Elite était simple, mais techniquement colossale :
reprendre l’intégralité du scénario du jeu original et remplacer toutes les illustrations statiques par des extraits animés issus de la série télévisée, voire par des séquences inédites spécialement créées pour l’occasion.
Ce choix transforme le rythme du jeu :
-
Les scènes clés gagnent en intensité émotionnelle grâce au doublage intégral et à l’animation,
-
Les expressions subtiles des personnages deviennent visibles,
-
Et la mise en scène cinématographique amplifie la tension narrative qui caractérise l’univers de Steins;Gate.
Chaque instant de la fameuse “convergence temporelle” est désormais ressenti visuellement, là où le jeu original faisait appel à l’imagination du joueur à travers des images fixes.
Un scénario inchangé, mais magnifié
Steins;Gate Elite reprend fidèlement le scénario principal du jeu de 2009, qui reste l’un des plus acclamés de l’histoire du visual novel.
L’histoire se déroule à Akihabara, où un groupe d’amis excentriques — les membres du Future Gadget Laboratory — découvre accidentellement un moyen d’envoyer des messages vers le passé grâce à un micro-ondes modifié.
Sous la direction du fantasque Rintarō Okabe, alias Hououin Kyouma, ils se retrouvent entraînés dans une série d’événements où chaque décision peut altérer la ligne temporelle et provoquer des conséquences tragiques.
L’intrigue explore des thèmes aussi profonds que :
-
le déterminisme temporel,
-
la culpabilité et la responsabilité morale,
-
et la valeur de la vie humaine face à la manipulation du temps.
Cette narration, déjà magistrale dans sa version originale, gagne ici une dimension émotionnelle supplémentaire grâce à l’animation et au rythme visuel.
Une expérience audiovisuelle complète
🎬 L’animation intégrée
Plutôt que de se contenter de cinématiques éparses, Steins;Gate Elite utilise des segments entiers de l’anime TV pour illustrer chaque scène.
L’équipe de production a ainsi reconstruit le jeu plan par plan, réorganisant parfois les séquences pour s’adapter à l’ordre interactif des choix du joueur.
Pour les routes secondaires absentes de l’anime, des scènes totalement inédites ont été produites par White Fox, le studio d’animation original.
🎵 La bande-son revisitée
La musique de Takeshi Abo, déjà culte, a été remasterisée pour correspondre au ton cinématique de cette nouvelle version.
Certains morceaux ont été allégés ou retravaillés pour accompagner les transitions animées.
Le doublage japonais d’origine est intégralement conservé, permettant de retrouver les performances iconiques de Mamoru Miyano (Okabe) et Asami Imai (Kurisu).
Des choix toujours déterminants : la mécanique du “Phone Trigger”
Malgré son apparence d’anime interactif, Steins;Gate Elite n’abandonne pas la dimension participative du visual novel.
Le joueur reste au centre de la narration via le célèbre système de Phone Trigger, qui consiste à répondre — ou non — aux appels, SMS ou e-mails reçus par Okabe à des moments précis.
Ces décisions, parfois anodines en apparence, modifient le cours du temps et déterminent la route narrative que prendra le joueur :
-
Sauver Kurisu,
-
Sauver Mayuri,
-
Ou tenter d’atteindre la mythique Steins Gate Line, où les deux survivent.
Cette interactivité légère mais psychologiquement lourde demeure le cœur émotionnel du jeu, même dans sa version animée.
Une édition riche en bonus selon les plateformes
-
Sur Nintendo Switch, Steins;Gate Elite inclut un mini-jeu exclusif : 8-BIT ADV Steins;Gate, développé par MAGES. dans le style d’un jeu d’aventure Famicom.
Ce jeu rétro reprend les grandes lignes de l’intrigue dans une esthétique 8-bit, clin d’œil évident à Famicolle ADV Steins;Gate (2011). -
Sur PlayStation 4 et PS Vita, le bonus diffère : les joueurs reçoivent Steins;Gate: Linear Bounded Phenogram, un spin-off composé de 10 histoires parallèles explorant des univers alternatifs.
Ces contenus bonus font de Steins;Gate Elite la compilation la plus complète de la franchise à sa sortie.
Réception critique et commerciale
À sa sortie, Steins;Gate Elite fut salué pour :
-
son ambition technique,
-
la fluidité inédite de sa narration,
-
et la qualité de l’intégration entre animation et interactivité.
Les critiques louèrent également la finesse émotionnelle conservée malgré le changement de format.
Certains joueurs regrettèrent toutefois la perte du charme “visuel statique” et de la liberté d’imagination offerte par les illustrations d’origine.
Mais dans l’ensemble, le jeu fut perçu comme une redécouverte spectaculaire d’un classique, destinée à séduire à la fois les fans historiques et les nouveaux venus.
Commercialement, Steins;Gate Elite connut un succès solide au Japon et une bonne réception internationale, contribuant à élargir encore la base de fans de la série.
Un jalon dans l’histoire du visual novel
Steins;Gate Elite a ouvert la voie à un nouveau genre de visual novel cinématographique, où la frontière entre anime et jeu devient quasi imperceptible.
Ce modèle inspirera plus tard d’autres remakes du “Science Adventure Series” (comme Robotics;Notes Elite ou Chaos;Head Noah).
Mais au-delà de son innovation technique, Elite conserve ce qui fait la grandeur de Steins;Gate :
une méditation sur le temps, le sacrifice, et la valeur de la vérité, servie ici par une mise en scène d’une intensité inégalée.
Un paradoxe temporel vidéoludique
En revisitant un visual novel devenu culte à travers son adaptation animée, Steins;Gate Elite accomplit un paradoxe temporel artistique :
l’œuvre de 2018 redonne vie à celle de 2009, qui avait elle-même inspiré l’anime de 2011… pour mieux fusionner les trois.
C’est à la fois une synthèse, une mise à jour, et un hommage métanarratif à la puissance du récit interactif japonais.
“Les lignes du monde changent, mais la mémoire des émotions demeure immuable.” — Kurisu Makise