Au milieu des années 1980, l’arcade est en pleine effervescence. Les titres d’action et de tir dominent les salles, les joueurs recherchent des expériences rapides, nerveuses et visuellement marquantes. C’est dans ce contexte que sort en arcade le 4 septembre 1985 un jeu signé Konami, au nom évocateur : Rush’n Attack aux États-Unis, ou Green Beret en Europe et au Japon. Inspiré par l’imaginaire de la Guerre froide, il propose aux joueurs d’incarner un commando solitaire infiltrant des bases ennemies pour accomplir une mission suicide.
Avec son gameplay exigeant et son atmosphère militaire, le jeu a su marquer les esprits et incarner une étape clé dans l’évolution de l’action arcade.
Contexte de création
En 1985 Konami a déjà fait ses preuves avec des titres comme Frogger (1981), Track & Field (1983) et surtout Gradius (1985) qui établissent la réputation du studio en matière de gameplay innovant et addictif. L’idée derrière Green Beret est simple : surfer sur la popularité croissante des films d’action militaires et d’espionnage (Rambo: First Blood Part II, Commando, Red Dawn) et la transposer dans un format arcade.
À cette époque, la tension Est-Ouest nourrit l’imaginaire collectif. Konami capitalise sur ce climat : un soldat d’élite américain doit s’infiltrer dans une base soviétique pour sauver des prisonniers de guerre. La narration est réduite à sa plus simple expression, mais l’ambiance militarisée est claire et immédiatement parlante pour le joueur de 1985.
Le gameplay : action pure et implacable
Contrairement à beaucoup de jeux de tir de l’époque, Rush’n Attack ne met pas une arme à feu automatique dans les mains du joueur. Le héros est armé… d’un simple couteau de combat. C’est ce choix qui donne au titre toute son identité et sa difficulté.
Déplacements horizontaux : le joueur avance latéralement de gauche à droite, progressant dans des niveaux qui défilent horizontalement.
Arme de base : le couteau permet des attaques rapprochées très rapides mais à portée limitée. Cela implique de se mettre constamment en danger.
Armes secondaires : en tuant certains ennemis ou en ouvrant des caisses, le joueur peut récupérer un fusil à baïonnette, un lance-roquettes ou des grenades, offrant une courte fenêtre de puissance.
Ennemis variés : soldats armés de fusils, d’armes blanches, chiens d’attaque, tireurs embusqués. Chaque type impose une gestion différente.
Un seul coup fatal : le moindre contact avec un ennemi ou un projectile est mortel. Le jeu se fonde donc sur les réflexes et la mémorisation des patterns.
L’ensemble propose une expérience à la fois simple à comprendre mais terriblement exigeante, typique des bornes conçues pour aspirer les crédits des joueurs.
Structure et niveaux
Le jeu se compose de quatre grandes missions, chacune correspondant à une zone militaire :
La base d’entraînement – Introduction où le joueur affronte des vagues de soldats standard.
L’aéroport – Multiplication des ennemis rapides et des attaques par surprise.
La base de missiles – Décor imposant, escalades et adversaires plus coriaces.
Le quartier général ennemi – L’ultime zone, gardée par des soldats d’élite et un boss final.
La structure est linéaire mais implacable : la difficulté augmente rapidement et demande une concentration de chaque instant. À l’époque, atteindre le dernier niveau relevait de l’exploit réservé aux joueurs acharnés.
Réalisation technique
Sur le plan graphique, Green Beret exploite le hardware arcade de Konami avec efficacité :
Décors : des bases militaires stylisées, avec grillages, bunkers, tours de guet et pistes d’aviation. Les arrière-plans ne sont pas aussi riches qu’un Gradius, mais plantent efficacement une ambiance martiale.
Animations : le mouvement du soldat est fluide, et les attaques au couteau sont rapides et lisibles. Les ennemis arrivent en grand nombre, renforçant la sensation d’assaut constant.
Couleurs : une palette volontairement sobre (beaucoup de verts, gris et bruns) qui colle à l’imagerie militaire.
Son : bruitages secs pour les attaques, cris d’ennemis, explosions ponctuelles. La musique, énergique, entretient la tension.
Sans être révolutionnaire techniquement, le jeu tire sa force de sa nervosité et de son atmosphère oppressante.
Réception en arcade
Lors de sa sortie en 1985, Rush’n Attack se distingue par son gameplay immédiat et sa difficulté extrême. Les critiques de l’époque soulignent :
Son intensité : la pression constante et l’action non-stop maintiennent les joueurs en alerte.
Sa brutalité : mourir en un seul coup choque certains, mais attire ceux qui aiment les défis.
Son esthétique militaire : en pleine Guerre froide, l’univers séduit et donne l’impression de vivre un film d’action interactif.
Le titre n’a pas le retentissement d’un Gradius ou d’un Ghosts’n Goblins, mais devient un classique apprécié dans les salles japonaises, américaines et européennes. Il consolide aussi la réputation de Konami comme maître du jeu d’action arcade.
Influence et héritage
Green Beret pose les bases d’un style de jeu d’action militaire en scrolling horizontal qui inspirera d’autres productions. Même si son nom n’a pas la notoriété d’un Contra (sorti deux ans plus tard, en 1987), on y retrouve déjà cette combinaison de :
Héroïsme solitaire face à une armée entière.
Gameplay exigeant et punitif qui récompense les réflexes.
Imagerie militaire directement inspirée de la pop culture occidentale des années 1980.
Aujourd’hui, il est regardé comme un jalon dans la construction de l’identité de Konami en matière de jeux d’action. Les passionnés d’arcade le considèrent comme un classique “à l’ancienne”, rude mais charismatique, et il reste recherché par les collectionneurs de bornes originales.
En 1985 Rush’n Attack / Green Beret s’inscrit dans une époque où l’arcade mise tout sur l’intensité et la mise à l’épreuve des joueurs. Avec son soldat armé seulement d’un couteau, ses vagues incessantes d’ennemis et son atmosphère guerrière, le jeu a su séduire un public en quête de sensations fortes.
Bien qu’éclipsé par d’autres licences plus populaires de Konami, il demeure un témoin précieux des ambitions créatives du milieu des années 1980. Pour les amateurs d’arcade, il incarne l’essence d’un genre brut, exigeant, sans concessions, qui a contribué à écrire l’histoire du jeu vidéo.