Histoire des jeux vidéo

Ralph Baer – Le père de la console de salon

Partie 2 : L’Odyssée vidéoludique commence – La Magnavox Odyssey entre dans les foyers (1972)

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🧪 De la "Brown Box" à la Magnavox Odyssey
Lorsque Magnavox décide en 1971 de signer un accord avec Ralph Baer et son employeur Sanders Associates, l’objectif est clair : transformer le prototype technique en produit grand public.

La "Brown Box" devient la Magnavox Odyssey, première console de salon de l’histoire. Magnavox investit dans un design épuré, un packaging attractif, et développe autour de la machine une série de jeux simples mais novateurs : Tennis, Hockey, Cat and Mouse, Submarine, Haunted House, etc.

L’appareil n’a pas de processeur et fonctionne en analogique pur. Les jeux ne sont pas des cartouches à mémoire, mais des cartes de circuits imprimés qui reconfigurent les circuits internes selon le jeu voulu. Les graphismes sont rudimentaires : des blocs lumineux à l’écran, souvent enrichis par des calques en plastique transparents (overlays) que l’on fixe directement sur l’écran du téléviseur.

Chaque joueur contrôle un curseur à l’aide d’un boîtier filaire : les manettes de l’Odyssey sont rectangulaires et proposent des molettes permettant de déplacer les éléments à l’écran verticalement et horizontalement, ainsi qu’une troisième molette servant à la rotation.

📦 Une console de jeu... avant l’heure
La Magnavox Odyssey est lancée en mai 1972, dans un environnement où personne ne comprend encore vraiment ce qu’est un "jeu vidéo".

Le marketing est flou : Magnavox vend la console uniquement dans ses propres magasins agréés, ce qui crée une confusion massive. Beaucoup de consommateurs croient — à tort — que l’Odyssey ne fonctionne qu’avec des téléviseurs de marque Magnavox.

Résultat : malgré son statut de pionnière, l’Odyssey est un succès modeste, avec environ 350 000 unités vendues entre 1972 et 1975. Un chiffre honorable pour un produit sans équivalent, mais bien en-deçà de son potentiel réel.

🧨 L’impact silencieux... mais explosif
Malgré cette réception limitée, l’impact culturel et technologique de l’Odyssey est colossal.

Pour la première fois, un écran de télévision devient un objet interactif dans un foyer. Ce que Baer a imaginé en 1966 devient réalité en 1972 : le média passif devient un espace de jeu, de stratégie, de compétition, de rire familial.

Mais c’est surtout le jeu "Tennis" de l’Odyssey qui va laisser une empreinte historique. Ce jeu — dans lequel deux joueurs contrôlent des "raquettes" pour renvoyer une balle lumineuse — sera découvert par Nolan Bushnell en 1972, lors d’une démonstration à Burlingame, en Californie.

Bushnell, alors en train de lancer sa société Atari, envoie un de ses ingénieurs, Allan Alcorn, créer un jeu similaire pour l’arcade. Ce jeu deviendra Pong, qui sortira la même année. Ralph Baer, Sanders et Magnavox attaqueront Atari en justice quelques années plus tard… et gagneront.

📝 Le contrat d’une vie... et une reconnaissance tardive
Magnavox avait bien négocié les brevets liés à l’invention de Baer. Lorsqu’Atari et d’autres constructeurs commencent à proposer des jeux de type Pong ou des consoles similaires, Magnavox fait valoir ses droits et remporte de nombreux procès.

Ralph Baer, quant à lui, ne touche qu’une modeste part des royalties, bien qu’il ait été le concepteur de cette révolution. Il restera toute sa vie en marge du glamour et des projecteurs, malgré la reconnaissance tardive de ses pairs.

En 2006, il recevra la National Medal of Technology des mains du président George W. Bush, enfin reconnu comme "le père du jeu vidéo à domicile".

🚪 Une porte s’est ouverte
L’Odyssey n’était pas parfaite. Elle était technologiquement limitée, mal commercialisée, et mal comprise. Mais elle a ouvert la toute première brèche. Elle a donné aux enfants des années 70 la possibilité de jouer sur leur télé, et elle a jeté les bases du jeu vidéo domestique.

Ralph Baer ne cherchait pas à faire la révolution. Il cherchait à expérimenter. Mais ce faisant, il a déclenché une onde de choc qui allait nourrir toute une industrie.