🏃♂️ 1978 : L’homme libre, l’esprit insatiable
À l’automne 1978, Nolan Bushnell quitte officiellement Atari, poussé vers la sortie par Warner Communications. Il part avec des millions de dollars en poche, une notoriété immense dans la Silicon Valley, et une idée fixe : il ne refera pas Atari, il fera autre chose.
Mais Bushnell est aussi un esprit trop créatif pour se contenter d’un rôle d’investisseur passif. Il se met immédiatement au travail sur un nouveau projet, très différent du jeu vidéo pur : Chuck E. Cheese’s Pizza Time Theatre.
🍕 Chuck E. Cheese's : Du jeu vidéo au restaurant familial (1977–1984)
Le concept de Bushnell, imaginé dès 1977 mais réellement développé après son départ d’Atari, est simple et brillant : un restaurant familial mêlant pizza, spectacles animatroniques, et bornes d’arcade. L’idée est de créer un lieu où les enfants réclameraient d’aller, non pour manger, mais pour vivre une expérience ludique totale.
Le premier établissement ouvre à San Jose en 1977, mais c’est à partir de 1979 que la chaîne commence son expansion rapide, notamment grâce à un système de franchise hybride. Chuck E. Cheese's s’implante dans plusieurs États américains, devenant un précurseur du divertissement immersif familial bien avant les "family entertainment centers" modernes.
Mais si le concept marche, la gestion laisse à désirer. En 1984, suite à une croissance trop rapide, une concurrence interne avec la société ShowBiz Pizza, et une gestion financière approximative, Chuck E. Cheese’s fait faillite, avant d’être restructurée. Bushnell, lui, en perd le contrôle.
🧠 Le Bushnell Labs et l’exploration technologique (1982–1984)
Toujours insatiable, Bushnell fonde ensuite Bushnell Labs au début des années 1980, une structure dédiée à la recherche en interface homme-machine, en intelligence artificielle, en robotique et en interfaces éducatives.
Sous cette bannière, il lance ou soutient plusieurs projets, souvent en avance sur leur temps :
Des ordinateurs éducatifs pour enfants ;
Des systèmes d'apprentissage adaptatif ;
Des concepts d’interfaces interactives grand public, notamment dans le monde de l’éducation et des loisirs numériques.
L’idée est souvent visionnaire, mais les technologies de l’époque sont encore trop limitées. Le public, surtout, n’est pas encore prêt à suivre Bushnell aussi loin dans ses intuitions. Beaucoup de ces projets échouent commercialement, mais posent des bases qui seront réexploitées… des décennies plus tard.
💥 1983 : Le crash du jeu vidéo — et un Bushnell en retrait
Le krach du jeu vidéo de 1983, causé par une saturation du marché, des jeux de qualité médiocre (dont le fameux E.T. sur Atari 2600), et une perte de confiance généralisée du public et des distributeurs, frappe durement toute l’industrie américaine.
À cette époque, Bushnell n’est plus impliqué dans Atari, ni dans la plupart des entreprises qui occupent la première ligne du secteur. Mais il observe la chute avec amertume : la compagnie qu’il avait fondée est l’une des plus touchées, et le secteur qu’il a aidé à créer s’effondre temporairement.
Fait notable : malgré son instinct de créateur et son flair légendaire, Bushnell ne tente pas de revenir directement dans le jeu vidéo à ce moment-là. Il continue à expérimenter, mais n’investit pas massivement dans les consoles ou les jeux à ce moment précis. En ce sens, il échappe au crash, tout en en subissant indirectement les contrecoups en tant que figure tutélaire de l’industrie.
🌅 1985 : L’année charnière — Nintendo arrive, et Bushnell s’adapte
En 1985, la situation change. Nintendo lance la Nintendo Entertainment System (NES) aux États-Unis avec une stratégie différente : qualité contrôlée, licence stricte, marketing fort, bundle avec robot ou pistolet optique. La NES relance progressivement le marché.
Pendant ce temps, Nolan Bushnell tente un retour par d’autres biais :
Il devient consultant pour diverses sociétés high-tech et éducatives ;
Il développe un intérêt pour les jeux éducatifs informatisés, un segment alors balbutiant ;
Il commence à réfléchir à l’intelligence artificielle appliquée aux loisirs, à une époque où cela paraît encore très théorique.
Il fonde aussi quelques projets confidentiels, dont certains liés à des plateformes multimédia éducatives — autant de graines qui, encore une fois, prendront du sens bien plus tard avec le e-learning et le "gamified learning".
🎯 Conclusion partielle : le magicien devenu alchimiste
Entre 1978 et 1985, Nolan Bushnell n’a plus l’aura industrielle d’Atari, mais il n’a rien perdu de sa curiosité, ni de son goût du risque. Il explore, il rate, il réinvente. À défaut de refaire un succès immédiat comme Pong ou l’Atari 2600, il préfigure une partie de l’avenir numérique : apprentissage interactif, gamification, divertissement immersif.
Au moment où la NES s’apprête à réécrire les règles du jeu vidéo, Bushnell est ailleurs, mais pas hors jeu. Il attend son heure.