Après deux épisodes majeurs — Super Mario Kart sur Super Famicom (1992) et Mario Kart 64 sur Nintendo 64 (1996-97) — la série Mario Kart était déjà un monument du jeu multijoueur. Pourtant, avec l’arrivée sur GameCube, Nintendo fait un pari étonnant, presque provocateur : réinventer en profondeur la formule tout en gardant l’esprit d’origine. Le résultat ? Mario Kart: Double Dash!!, un épisode audacieux, unique dans la saga, qui assume une rupture pour mieux ouvrir encore davantage les portes du fun à plusieurs.
Ce n’est pas seulement un Mario Kart : c’est le Mario Kart du duo, le jeu de course qui devient une danse à deux, où la stratégie collective et le chaos maîtrisé redéfinissent l’expérience familiale et amicale du genre.
Le concept du duo : une révolution de gameplay
La plus grande innovation de Double Dash!!, c’est évidemment la possibilité d’avoir deux personnages sur le même kart : l’un conduit, l’autre gère les objets. Cette simple idée transforme entièrement la dynamique du jeu.
Le joueur ne se contente plus de piloter en solo : il doit collaborer avec un partenaire, humain ou contrôlé par l’IA. Dans le cas d’une partie à deux, un joueur conduit tandis que l’autre utilise les objets, créant une communication constante entre les deux : "Balance ta carapace !", "Prépare-toi pour l’éclair !", "Tourne, je vise !"
Pour la première fois, Mario Kart introduit une coopération à l’intérieur même d’un kart, en plus de la compétition inter-karts. C’est une idée radicale : le jeu devient à la fois course et coordination, fun immédiat et réflexion tactique.
Des personnages, des karts, des objets : la personnalisation en marche
Chaque duo possible dans Double Dash!! peut influencer le gameplay : les personnages sont répartis en catégories (légers, moyens, lourds), et chaque combinaison offre un kart différent avec ses propres caractéristiques (accélération, vitesse, maniabilité, etc.).
Mais l’élément le plus marquant, c’est l’introduction des objets spéciaux exclusifs à chaque duo ou personnage : la carapace géante de Bowser, les Bob-ombs des frères Mario, le cœur de Peach et Daisy, les œufs de Yoshi, les bananes triples de Donkey Kong, etc.
Ces objets spéciaux renforcent l’identité des personnages, enrichissent les stratégies de course, et diversifient l’expérience selon les couples choisis. L’idée est simple mais puissante : chaque course peut être rejouée autrement selon l’équipe formée.
On assiste ici à un glissement progressif : Mario Kart ne se contente plus de faire s’affronter des personnages connus. Il propose une expérience personnalisable, qui anticipe les futures logiques de “builds” que l’on retrouvera dans les épisodes suivants (Mario Kart 8 Deluxe en particulier).
Un multijoueur plus riche que jamais
Double Dash!! pousse encore plus loin la vocation multijoueur de la série. Il propose :
Des courses en 2 vs 2, où chaque kart est contrôlé par deux joueurs.
Le mode LAN (via le câble GameCube Broadband Adapter), permettant des parties jusqu’à 16 joueurs (4 GameCubes reliées, 4 joueurs par console, 8 karts au total).
Un Battle Mode toujours aussi hilarant, avec des arènes colorées et chaotiques.
Jamais un Mario Kart n’avait offert autant de possibilités multijoueurs. Les rires, les cris, les retournements de situation deviennent le cœur battant du jeu, qui s’impose comme une expérience festive totale, idéale pour les familles nombreuses ou les soirées entre amis.
Des circuits mémorables et une direction artistique chaleureuse
Les circuits de Double Dash!! brillent par leur diversité, leur inventivité et leur ambiance :
Baby Park, un ovale minuscule où le chaos devient art.
DK Mountain, et son célèbre canon géant qui catapulte les joueurs.
Mushroom Bridge, avec ses véhicules circulant à contresens.
Yoshi Circuit, un hommage sinueux en forme de Yoshi.
Bowser’s Castle, toujours plus tordu, spectaculaire et dangereux.
La direction artistique est chaleureuse, vivante, cartoon à souhait. La GameCube permet des graphismes fluides, colorés, avec des effets de lumière convaincants et des animations détaillées. Chaque décor respire la bonne humeur : ce n’est pas une course mécanique, mais un carnaval motorisé.
Un équilibre maîtrisé entre fun et technique
Si le jeu favorise le fun, il n’en oublie pas les joueurs plus aguerris. La gestion du drift (glissade), les raccourcis subtils, la connaissance des objets et du timing rendent possible une maîtrise plus technique, sans jamais compromettre l’accessibilité.
C’est l’un des grands équilibres du jeu : on peut jouer en famille sans se prendre la tête, ou devenir un fin stratège en duo avec un ami, en optimisant chaque rôle. Ce double niveau de lecture contribue à la longévité du titre.
Un jeu à la fois radical, clivant… et inoubliable
À sa sortie, Mario Kart: Double Dash!! divise une partie des joueurs. Certains adorent la nouveauté, la coopération, les objets exclusifs. D’autres regrettent un léger manque de vitesse comparé à Mario Kart 64, ou la disparition du mode Time Trial en multijoueur.
Mais avec le recul, il apparaît comme l’un des épisodes les plus originaux de la saga, et certainement le plus expérimental. Nintendo a osé bousculer sa propre formule, sans jamais trahir l’ADN de la série : du fun, du rythme, de l’accessibilité, du chaos bienveillant.
Mario Kart Double Dash!!, la célébration du jeu vidéo comme lien social
En mettant deux joueurs dans un seul kart, Nintendo fait une déclaration audacieuse : le jeu de course peut être un exercice collectif. Il ne s’agit plus uniquement de gagner : il s’agit d’exister ensemble, de rire ensemble, de perdre ensemble… et parfois de gagner ensemble.
Dans un monde vidéoludique souvent tourné vers la compétition solitaire ou la performance en ligne, Mario Kart: Double Dash!! est un hymne à la complicité ludique, au plaisir immédiat partagé, à l’idée qu’un jeu est avant tout un terrain de jeu pour les liens humains.
Cet épisode unique est encore aujourd’hui l’un des plus appréciés des fans, précisément parce qu’il n’a jamais été copié dans sa formule. Il demeure l’OVNI attachant, chaleureux et festif d’une série qui n’a jamais cessé d’évoluer, mais qui a rarement autant surpris.