Histoire des jeux vidéo

Eniac

La fabuleuse histoire de l'ordinateur PAS portable (1946)

Illustration

ENIAC : l’aube de l’informatique moderne
Lorsque l’on évoque les origines de l’informatique, un nom revient toujours avec solennité : ENIAC, acronyme de Electronic Numerical Integrator and Computer. Inauguré en 1946, cet appareil monumental représente bien plus qu’une prouesse technique : il marque l’acte de naissance de l’ordinateur moderne. Dans une époque dominée par les calculateurs mécaniques ou électromécaniques, l’ENIAC fut le premier à fonctionner exclusivement par des circuits électroniques et à offrir une capacité de programmation, même si rudimentaire. Revenons sur l’histoire, le fonctionnement, et l’héritage de ce géant oublié du grand public, mais fondamental pour la révolution numérique.

1. Contexte historique : la Seconde Guerre mondiale et le besoin de calcul
Nous sommes en 1943, en pleine guerre mondiale. L’armée américaine cherche un moyen de calculer rapidement les trajectoires balistiques des projectiles pour son artillerie. Ces calculs, extrêmement complexes et chronophages, étaient alors effectués par des humains — essentiellement des femmes mathématiciennes appelées "computers", au sens littéral du terme. Le besoin d’accélérer ce processus se fait de plus en plus pressant.

C’est dans ce contexte que deux chercheurs de l’Université de Pennsylvanie, John Presper Eckert et John William Mauchly, proposent la construction d’une machine entièrement électronique, capable de réaliser ces calculs en une fraction de temps.

2. Conception et construction
La construction de l’ENIAC débute en juin 1943 dans les laboratoires de la Moore School of Electrical Engineering, à Philadelphie. Après près de deux ans et demi de travail, la machine est présentée officiellement au public le 14 février 1946. Elle coûte environ 500 000 dollars de l’époque (plusieurs millions aujourd’hui), financés par l’armée américaine.

Caractéristiques techniques :
Taille : environ 30 mètres de long pour un poids de 30 tonnes

Volume : une salle entière de 140 m²

Composants :

Environ 18 000 tubes à vide,

70 000 résistances,

10 000 condensateurs,

6 000 commutateurs manuels.

Mémoire : capable de stocker 20 nombres de 10 chiffres décimaux

Langage : pas de langage informatique tel qu’on le connaît aujourd’hui, mais une programmation par câblage manuel.

Vitesse : 5 000 additions par seconde, 357 multiplications par seconde — une vitesse stupéfiante à l’époque.

3. Fonctionnement
L’ENIAC était une machine à usage général, capable de résoudre tout type de problème numérique à condition qu’on le reprogramme entièrement. Contrairement aux calculateurs de l’époque fondés sur des cartes perforées ou sur des relais électromécaniques, il utilisait des tubes à vide pour effectuer ses calculs avec une vitesse inégalée.

Cependant, la programmation n'était pas une mince affaire : il fallait reconnecter physiquement les câbles, changer les interrupteurs et modifier les tableaux de connexions pour chaque nouveau type de calcul. Cela pouvait prendre des jours entiers.

4. Performances et utilisations
L’ENIAC, bien qu’initialement conçu pour la balistique, a rapidement été utilisé pour d’autres projets scientifiques, comme :

La simulation de réactions nucléaires dans le cadre du projet Manhattan (bien que la machine ait été finalisée trop tard pour jouer un rôle direct dans la conception de la bombe).

Des calculs météorologiques, physiques et mathématiques fondamentaux.

Une fois pleinement opérationnelle, la machine pouvait effectuer en quelques heures ce que des équipes de mathématiciens mettaient des semaines à accomplir.

5. Limites et évolutions
Limites :
L’ENIAC ne stockait pas les programmes : ceux-ci étaient câblés à la main.

Les tubes à vide surchauffaient souvent, provoquant des arrêts réguliers.

Le temps de reconfiguration (reprogrammation) était très long.

Il n’avait pas de mémoire vive telle qu’on la connaît aujourd’hui.

Mais ces limites furent aussi à l’origine d’évolutions majeures.

Évolution :
En 1948, l’ENIAC subit une mise à jour lui permettant de lire des programmes depuis une mémoire externe — amorçant ainsi l’idée du programme stocké, conceptualisé par John von Neumann, qui travaillait en parallèle sur l’architecture moderne des ordinateurs.

6. Héritage et postérité
Bien que rapidement supplanté par des machines plus performantes comme EDVAC, UNIVAC ou le Manchester Baby, l’ENIAC a marqué un tournant historique.

Il fut le premier pas vers les ordinateurs modernes.

Il a ouvert la voie à la standardisation des circuits électroniques en informatique.

Il a démontré que les calculs scientifiques à grande échelle pouvaient être automatisés.

Il est devenu un symbole fondateur dans l’histoire des sciences informatiques.

L'ENIAC a cessé de fonctionner en 1955, après neuf ans de service, ce qui était remarquable pour une machine aussi pionnière.

Aujourd’hui, plusieurs de ses modules sont conservés dans des musées, notamment au Smithsonian Institution et au Computer History Museum.

L’ENIAC n’était pas parfait, mais il fut révolutionnaire. Il incarne cette charnière entre le calcul manuel de l’époque industrielle et l’ère électronique de l’informatique moderne. Grâce à lui, l’idée d’une machine universelle programmable est passée de la théorie à la pratique. Plus de 75 ans après son allumage, l’ENIAC demeure un jalon historique dont l’impact est encore perceptible dans chaque processeur que nous utilisons aujourd’hui.