Teenage Mutant Ninja Turtles: Shredder's Revenge – Le retour triomphal d’un mythe pixelisé
Le 16 juin 2022, un cri de joie silencieux a résonné dans le cœur des trentenaires et quarantenaires du monde entier. Ce jour-là, les Tortues Ninja faisaient un retour en force sur nos écrans grâce à Teenage Mutant Ninja Turtles: Shredder’s Revenge, un beat'em up aux accents délicieusement rétro, développé par Tribute Games et édité par Dotemu. Loin de se contenter d’un simple remake nostalgique, le titre s’impose comme une lettre d’amour à toute une époque, tout en affichant une maîtrise technique et ludique digne des standards les plus modernes.
Une esthétique qui convoque les années 90
Dès les premières secondes, le ton est donné : visuellement, Shredder’s Revenge épouse avec ferveur l’esthétique de la série animée de 1987. Le pixel art y est sublime, fourmillant de détails, avec des animations fluides et expressives qui redonnent vie à Leonardo, Donatello, Michelangelo et Raphael comme s’ils n’avaient jamais quitté nos salons. Le jeu ne se contente pas de singer les anciens épisodes d’arcade (TMNT: Turtles in Time en tête) : il les dépasse, les transcende même, en leur insufflant un second souffle parfaitement assumé.
Chaque décor est un tableau vivant, des rues crasseuses de New York aux couloirs métalliques de la Technodrome, en passant par les jungles numériques de la Dimension X. Les arrière-plans regorgent de clins d'œil à l’univers étendu des Tortues, et les animations fourmillent de petites touches humoristiques savoureuses.
Un gameplay accessible mais redoutablement riche
Côté maniabilité, Shredder’s Revenge frappe juste. Le jeu repose sur des contrôles classiques : attaque, saut, dash, coup spécial. Mais très rapidement, on découvre une richesse insoupçonnée. Chaque personnage dispose de ses propres statistiques – puissance, portée, vitesse – et d’un éventail de mouvements légèrement différent. Leonardo est équilibré, Raphael tape fort et vite mais à courte distance, Donatello joue la prudence avec sa longue portée, et Michelangelo brille par sa rapidité.
Les développeurs ont également inclus un système de montée en niveau progressif qui débloque de nouvelles attaques ou capacités, comme des coups spéciaux améliorés ou la possibilité d’esquiver en pleine course. Cette verticalité subtile permet à chacun de jouer à sa façon : en bourrin, en technicien, en soutien, ou en acrobate.
Mais la grande force du gameplay réside dans son coopératif jusqu’à six joueurs. Une première dans la série, qui transforme chaque partie en joyeux chaos organisé, où l’on se bat à coups de pizza partagée, de super attaques combinées et de cris d’encouragement face à un boss coriace. L’intelligence artificielle adapte intelligemment la difficulté en fonction du nombre de joueurs, un détail technique qui démontre la maîtrise du studio.
Un casting élargi qui fait plaisir
Au-delà des quatre tortues, Shredder’s Revenge propose plusieurs personnages jouables emblématiques de l’univers. April O’Neil, armée de son micro et d’une redoutable vélocité, Splinter le sensei au calme meurtrier, et Casey Jones, libérable après la fin du mode histoire, avec sa batte et ses attaques dévastatrices. Chaque personnage joue différemment, ce qui multiplie les raisons de relancer le jeu une fois terminé.
Le scénario du mode histoire, quant à lui, tient en une ligne : Shredder veut dominer le monde, à nous de l’en empêcher. Mais le charme du jeu réside dans sa mise en scène, ses cutscenes animées en pixel art et son humour omniprésent. On sent que tout a été pensé pour raviver la flamme d’une époque où les jeux d’arcade étaient de vraies aventures collectives, bruyantes et galvanisantes.
Une bande-son rétro avec un twist moderne
L’aspect sonore du jeu n’est pas en reste. La bande-son, composée par Tee Lopes, est un chef-d’œuvre d’hybridation entre sonorités chiptune rétro et influences contemporaines. Les thèmes accompagnent chaque niveau avec brio, alternant entre synthwave, rock et funk.
Et pour couronner le tout, plusieurs invités prestigieux ont mis leur voix ou leur musique au service du projet. Mike Patton, leader de Faith No More, interprète une reprise explosive du générique original. Ghostface Killah et Raekwon du Wu-Tang Clan posent leur flow sur un morceau énergique dédié à un niveau intense, liant habilement l’univers hip-hop new-yorkais aux racines de la franchise.
Ajoutons à cela que les voix originales des tortues, issues du dessin animé de 1987, sont de retour pour prêter vie aux dialogues du jeu. Ce choix de casting renforce l’authenticité et l’ancrage nostalgique de l’œuvre.
Une longévité solide et du contenu post-lancement généreux
Bien que le mode histoire puisse se terminer en quelques heures, Shredder’s Revenge est loin d’être un jeu éphémère. Sa rejouabilité est élevée grâce aux nombreux personnages, aux défis optionnels, aux collectibles à découvrir, et à une note finale qui incite à refaire chaque niveau en mode arcade ou hardcore.
Mais c’est surtout par ses extensions post-lancement que le titre a continué à faire parler de lui. Le DLC Dimension Shellshock, sorti en août 2023, a introduit le mode Survie – une suite d’affrontements générés aléatoirement avec montée en puissance à la roguelike – ainsi que deux nouveaux personnages jouables : Usagi Yojimbo, le célèbre samouraï lapin, et Karai, une antagoniste récurrente. Les animations et les combos de ces nouveaux venus sont aussi travaillés que ceux du jeu de base, prouvant que le suivi n’a rien de superficiel.
Un an plus tard, un deuxième DLC intitulé Radical Reptiles voit le jour. Deux autres personnages issus de la série animée y font leur apparition : Mona Lisa, brillante scientifique reptilienne, et Mondo Gecko, un skateur punk qui fait des ravages avec sa planche. De nouveaux remix musicaux et quelques ajouts esthétiques complètent l’offre, faisant du jeu une œuvre vivante.
Un triomphe critique et populaire
L’accueil du public et de la critique fut extrêmement positif. Le jeu s’est écoulé à plus d’un million d’exemplaires en une semaine seulement, un chiffre remarquable pour un jeu 2D en 2022. Salué pour sa fidélité, son accessibilité, son gameplay solide et sa direction artistique, il est vite devenu un incontournable pour les fans de beat’em up.
Les retours mettent également en avant l'équilibre parfait entre hommage nostalgique et innovations modernes, sans jamais tomber dans le pastiche ni l’auto-référence stérile. Un exploit à part entière, dans une époque où la tentation de surfer uniquement sur la nostalgie est souvent plus forte que celle de créer véritablement.
Un classique instantané
Avec Shredder’s Revenge, Tribute Games et Dotemu ont réussi l’impossible : ressusciter un genre disparu, honorer une licence culte, et satisfaire à la fois les puristes de la première heure et une nouvelle génération de joueurs. Si Turtles in Time était le chef-d'œuvre arcade de 1991, Shredder’s Revenge est son digne successeur moderne – plus qu’un simple revival, une œuvre-pivot dans l’histoire du beat’em up.
Un jeu généreux, fun, accessible, nerveux, et pétri d’amour pour son matériau d’origine. Cowabunga n’a jamais sonné aussi bien.