Histoire des jeux vidéo

Street Fighter 2

Le mot révolution fut inventé pour ce jeu

Illustration

Street Fighter II (1991-1993) : Le cataclysme vidéoludique qui redéfinit tout un genre


Une secousse mondiale en arcade – 1991

En mars 1991, Capcom publie ce qui allait devenir l’un des plus grands bouleversements de l’histoire du jeu vidéo : Street Fighter II: The World Warrior. Contrairement à son prédécesseur de 1987, discret et maladroit dans son exécution, ce second volet révolutionne à lui seul le jeu de combat compétitif. Ce n’est plus simplement un duel, c’est un ballet nerveux de réflexes, de stratégie et de précision technique.

Les salles d’arcade, alors déjà bien peuplées de titres de tir ou de beat ’em ups, voient débarquer une véritable tempête de monde autour des bornes. Il ne s’agit plus seulement de finir un jeu contre l’IA : pour la première fois, des joueurs s’affrontent les uns les autres dans un système de versus à deux joueurs aussi lisible qu’exigeant, aussi addictif que spectaculaire.

Pourquoi cette explosion ?

Street Fighter II devient un phénomène de société : des tournois spontanés s'organisent dans les salles, des fans se pressent pour regarder les meilleurs s'affronter, les opérateurs de bornes arcade doivent installer plusieurs unités dans une même salle pour éviter les files interminables.


La démocratisation à domicile – 1992 : Super Nintendo, le grand coup

Capcom, conscient du succès phénoménal de son jeu, décide de porter Street Fighter II sur console. Le choix se porte naturellement sur la Super Nintendo, alors en pleine lutte face à la Mega Drive de Sega.

En juillet 1992, l’adaptation sobrement intitulée Street Fighter II débarque sur SNES. Le choc est immédiat.

Une conversion miracle

À l’époque, personne ne pensait qu’un tel jeu, si fluide et nerveux en arcade, pouvait tenir dans une cartouche 16 bits. Et pourtant, le résultat est saisissant :

Le succès est colossal : plus de 6,3 millions d’exemplaires vendus sur SNES, un record absolu pour un jeu tiers à l’époque. Street Fighter II devient l’un des principaux moteurs de ventes de la Super Nintendo, au point que de nombreux foyers achètent la console uniquement pour y jouer. C’est un cas quasi unique dans l’histoire du jeu vidéo où un jeu devient un argument d’achat plus fort que la machine elle-même — un phénomène que seule la PlayStation avec Final Fantasy VII reproduira quelques années plus tard.


L’élargissement du public : un jeu pour les ados... et les adultes

Ce qui frappe avec Street Fighter II, c’est qu’il sort du périmètre habituel des enfants. Grâce à son esthétique plus mature, sa mécanique de duel technique, et sa profondeur insoupçonnée, il attire aussi de jeunes adultes et des trentenaires, chose très rare pour un jeu vidéo à l'époque.

Dans les foyers comme dans les cafés, on voit se rassembler une communauté de passionnés : il ne s’agit plus simplement de jouer, mais de maîtriser un art du combat, de développer ses réflexes, de comprendre les frames d’attaque. Certains commencent même à écrire des guides, à théoriser des match-ups. L’e-sport n’existe pas encore sous ce nom, mais il vient de naître sous les coups de pied retournés de Chun-Li et les shoryuken incendiaires de Ken.


1993 : Turbo, Champion Edition, et l’extension de la légende

Face au succès de la version originale, Capcom ne tarde pas à proposer des évolutions :

La version Turbo SNES, sortie en 1993, est une synthèse parfaite de ces améliorations. Elle pousse plus loin la vitesse, l’équilibrage et l’intensité, tout en préparant le terrain à Super Street Fighter II, qui introduira de nouveaux personnages.


L’héritage immédiat : une industrie réorganisée

Street Fighter II ne crée pas qu’un standard de jeu : il redéfinit un genre entier. Des dizaines de clones apparaissent : Fatal Fury, Art of Fighting, World Heroes, Mortal Kombat... Tous naissent dans l’ombre du monstre de Capcom, essayant tantôt de l’imiter, tantôt de le contester.

Le jeu de combat devient le nouvel eldorado du jeu vidéo, poussant même certaines salles d’arcade à remplacer presque toutes leurs bornes par des versus fighting. Et Capcom devient, presque du jour au lendemain, un titan du jeu vidéo mondial, courtisé, respecté, attendu.


Conclusion : un jalon historique

Street Fighter II est bien plus qu’un simple jeu : c’est un pivot historique, un point de bascule qui a transformé le jeu vidéo d’une simple distraction à un art de la compétition. Il a non seulement défini un genre, mais il a redéfini le rapport entre un jeu, sa console et son public. Il est à la Super Nintendo ce que Mario Bros est à la NES : une colonne vertébrale.

Aujourd’hui encore, son influence reste omniprésente. Ses personnages, ses mécaniques, sa philosophie de gameplay et même son esprit compétitif se retrouvent jusque dans les arènes d’e-sport moderne.