Histoire des jeux vidéo

Far Cry Primal

Le cri des origines

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Sorti en février 2016 sur PlayStation 4, Xbox One et PC, Far Cry Primal est un épisode hors-série audacieux dans la célèbre franchise d’Ubisoft. Après plusieurs aventures armées de fusils et de grenades, le studio prend tout le monde à contrepied : pas de kalachnikov, pas de méchants modernes, pas même de langage compréhensible.

Primal nous projette 10 000 ans en arrière, à l’époque du Mésolithique, dans une Europe encore sauvage où tribus rivales, mammouths laineux et tigres à dents de sabre partagent un territoire aussi rude que fascinant.

Un pari risqué : faire un jeu Far Cry sans armes à feu
Dans un genre où les armes à feu ont toujours été centrales, Far Cry Primal fait le pari unique d’explorer la préhistoire sans aucun élément moderne. L’histoire nous place dans la peau de Takkar, un chasseur Wenja, seul survivant d’une expédition, qui doit reconstruire son clan dans la vallée d’Oros.

Le jeu propose une expérience de survie primaire : chasser pour se nourrir, fabriquer ses armes, apprivoiser des bêtes féroces, et unifier un peuple dispersé sous la menace de deux autres tribus :

Les Udam, cannibales brutaux menés par un géant atteint d’une maladie dégénérative.

Les Izila, plus évolués technologiquement, guidés par une prêtresse cruelle et mystique.

Un monde vivant, rude, et viscéral
Le point fort de Primal, c’est l’atmosphère. La vallée d’Oros, inspirée de paysages alpins et caucasiens, est sauvage, organique, vibrante de vie :

Des troupeaux d’animaux migrent en temps réel ;

Des incendies de forêts se déclenchent dynamiquement ;

Le cycle jour/nuit modifie le comportement des prédateurs.

La faune est centrale : le joueur peut chasser pour améliorer son équipement, mais aussi apprivoiser les bêtes sauvages. Loups, ours, tigres, panthères, et même un grand hibou servent de compagnons de combat ou d’éclaireurs. Une mécanique innovante et immersive qui donne un réel sentiment de lien avec la nature.

Un gameplay plus instinctif, mais fidèle à la formule Far Cry
Même sans fusils, les bases de Far Cry sont bien là :

Postes ennemis à libérer, feux à allumer, villages à rallier ;

Armes à crafter : lances, arcs, massues, pièges, bombes à abeilles ;

Système de progression par compétences et par équipements ;

Exploration libre d’un monde semi-ouvert densément peuplé.

Les affrontements sont plus proches, plus brutaux, plus tactiles. L’absence de mini-carte et de HUD (personnalisable) pousse à observer les indices visuels et sonores, comme un véritable chasseur cueilleur.

L’immersion est aussi portée par l’usage exclusif d’un langage préhistorique recréé par des linguistes à partir de dialectes indo-européens anciens. Les dialogues sont donc entièrement sous-titrés, ce qui renforce l’exotisme et l’authenticité de l’expérience.

Une narration minimaliste mais cohérente
L’histoire de Far Cry Primal n’a pas la complexité ou les dialogues percutants de Far Cry 3 ou 4, mais elle reste cohérente et bien ancrée dans son cadre temporel.
Takkar n’est pas un héros moderne, il devient un chef par la force brute, la ruse et la loyauté à son clan. L’enjeu n’est pas mondial, mais tribal : survivre, transmettre, chasser, dominer.

Les personnages secondaires sont atypiques, grotesques ou inquiétants, comme le chaman halluciné Tensay ou la guerrière Sayla. Le tout baigne dans une esthétique tribale marquée : peintures rupestres, chants gutturaux, cérémonies chamaniques et visions sous psychotropes.

Réception critique et bilan artistique
Far Cry Primal a surpris à sa sortie. Certains fans furent déçus par :

L’absence de multijoueur ;

Une recyclage partiel de la map de Far Cry 4 (détail peu visible mais réel) ;

Un scénario plus linéaire et moins flamboyant.

Mais d’autres saluèrent :

L’audace de sortir des sentiers battus ;

L’ambiance sonore immersive et originale ;

La beauté organique du monde d’Oros ;

Le gameplay basé sur l’instinct de survie et la relation homme-nature.

Le jeu se vend bien (plus de 4 millions d'exemplaires en quelques mois), prouvant que la série peut se réinventer sans se trahir.

Conclusion : Un OVNI dans la série, mais une vraie bouffée d’air
Far Cry Primal est à la fois une parenthèse expérimentale et une réussite artistique. En osant abandonner les codes classiques du shooter moderne, Ubisoft prouve que la série peut survivre sans ses armes de prédilection, à condition de capitaliser sur ce qui fait son ADN : l’exploration, la liberté d’action, la violence viscérale, et un monde aussi vivant que dangereux.

Ni totalement survival, ni complètement Far Cry tel qu’on le connaît, Primal restera un épisode à part, souvent oublié, mais jamais ridicule. Et pour certains joueurs, une expérience plus pure, presque méditative, de ce qu’un jeu vidéo peut évoquer lorsqu’il nous replace face à nos origines.