Système de jeu
Grand Theft Auto: San Andreas est un jeu d'action-aventure en vue à la troisième personne[10]. Le joueur incarne Carl "CJ" Johnson, un criminel, et accomplit des missions, des scénarios linéaires avec des objectifs définis, pour faire progresser l'histoire. En dehors de ces missions, il explore librement le monde ouvert et réalise des missions secondaires optionnelles[11],[12]. Un mode multijoueur permet à deux joueurs d'évoluer simultanément dans cet univers[13]. L'action se déroule dans l'État fictif de San Andreas, qui constitue le monde ouvert et comprend trois métropoles : Los Santos, San Fierro et Las Venturas[14]. L'accès à ces villes se débloque progressivement au fil de l'histoire[15], tandis que les aéroports offrent un système de voyage rapide entre elles[16]. Réparties sur la carte, des planques peuvent être achetées pour sauvegarder la progression et stocker des véhicules[17].
Le joueur se déplace en courant, en nageant ou en utilisant divers véhicules[18]. Pour affronter ses ennemis, il dispose d'attaques au corps à corps, d'armes à feu et d'explosifs, avec la possibilité de manier deux armes simultanément et de tirer depuis un véhicule en mouvement[19],[20]. Les armes peuvent être achetées auprès d'armureries locales, récupérées sur des ennemis vaincus ou trouvées disséminées dans le monde du jeu[21]. Lors des combats, un système de visée automatique permet de verrouiller les cibles [22]. En cas de blessure, la jauge de santé se régénère entièrement grâce à des objets de soin, tandis qu'un gilet pare-balles absorbe les dégâts causés par les tirs et les explosions[19],[23]. Lorsque la santé du joueur est épuisée, il réapparaît à l'hôpital [24]. En cas de crime, les forces de l'ordre réagissent en fonction d'un indice de recherche affiché à l'écran. Cet indicateur, représenté par des étoiles, reflète le niveau de poursuite : au maximum de six étoiles, des hélicoptères de police et des unités militaires interviennent [16]. Les agents traquent le joueur s'il quitte la zone de recherche, mais l'indice diminue progressivement si celui-ci reste hors de leur champ de vision[25]. Le jeu propose plus de 180 véhicules, dont des voitures, des motos, des avions, des bateaux et des véhicules télécommandés [26]. La plupart peuvent être personnalisés avec des modifications telles que des suspensions hydrauliques, des moteurs à protoxyde d'azote et des systèmes audio [27].
Dans le monde du jeu, le joueur peut conquérir des territoires en affrontant des membres de gangs rivaux. Un territoire est acquis après avoir survécu à trois vagues d’attaques ennemies. Toutefois, ces zones sont sujettes à des assauts périodiques de gangs adverses et doivent être défendues sous peine d’être perdues [28]. Lors de l'exploration libre, diverses activités sont accessibles, comme le cambriolage, la lutte contre les incendies, le proxénétisme, les missions de taxi et de justicier[29]. Leur accomplissement rapporte de l’argent, utilisable pour acheter des accessoires, des vêtements, des coupes de cheveux et des tatouages pour CJ, introduisant ainsi des éléments de jeu de rôle inédits dans la série[19],[30].
L’équilibre entre alimentation et exercice influence l’apparence et les capacités physiques de CJ : manger et s’entraîner maintient sa santé, tandis qu’une perte de muscle réduit son efficacité au combat[31]. Trois styles de combat au corps à corps, boxe, kickboxing et arts martiaux mixtes, peuvent être appris dans les salles de sport de chaque ville [32][33]. Le jeu suit également le niveau de respect de CJ auprès de ses amis, qui varie en fonction de ses actions et de son apparence [16]. Certaines compétences, comme la conduite, la maîtrise des armes à feu, la capacité pulmonaire, la musculature et l’endurance, évoluent avec l’expérience et débloquent de nouvelles mécaniques de jeu[18],[34]. Le joueur a la possibilité d’entretenir des relations avec six femmes et peut les inviter à dîner, boire un verre ou danser [35].
Développement
Leslie Benzies
Dan Houser
Sam Houser
À l’instar des deux précédents opus de Grand Theft Auto, San Andreas est produit par Leslie Benzies aux côtés de Dan Houser, qui coécrit également le scénario. Sam Houser, président de Rockstar Games, occupe le rôle de producteur exécutif
L'équipe de 50 personnes de Rockstar North entame le développement de San Andreas après la sortie de Grand Theft Auto: Vice City en octobre 2002[36],[37]. Avec un cycle de développement de deux ans, contre un an pour Vice City, les développeurs disposent de plus de temps pour expérimenter et réévaluer les précédents opus de la série[37]. Le producteur Leslie Benzies ambitionne de redéfinir la franchise et de « révolutionner le gameplay ouvert ainsi que les standards de production des jeux vidéo »[38]. Pour allouer davantage de ressources à San Andreas, Rockstar Games repousse la sortie de The Warriors, initialement prévue pour 2004, à l’année suivante[39]. Le budget du jeu est inférieur à 10 millions de dollars américains[40].
Le faible taux de renouvellement au sein de Rockstar North depuis le développement du premier Grand Theft Auto en 1997 permet à l'équipe de capitaliser sur son expérience avec la série[41]. Toutefois, certains développeurs expriment des inquiétudes concernant les conditions de travail durant la production de San Andreas, n’ayant pas eu de véritable pause après Vice City. Le programmeur Gary Foreman craint que l’entreprise soit entrée dans une phase de « crunch » permanent, certains employés travaillant jusqu’à 17 heures par jour[42].
Des tensions émergent entre certains membres de l'équipe et le président de Rockstar, Sam Houser, au sujet des conditions de travail, poussant plusieurs développeurs à quitter le studio [43]. L’un d’eux, un vétéran de la société, démissionne en raison de la représentation des Afro-Américains dans San Andreas et d’un ton qu'il juge plus sombre et opportuniste dans les productions de Rockstar, notamment San Andreas et Manhunt (2003) [44].
Conception technique et monde ouvert
Le monde de San Andreas est initialement conçu comme trois cartes distinctes reliées par des transports en commun. Finalement, il devient une seule carte regroupant trois grandes villes, séparées par des zones rurales et désertiques[36]. Ces villes s’inspirent de lieux réels : Los Santos de Los Angeles, San Fierro de San Francisco et Las Venturas de Las Vegas[14],[45].
Au début du développement, l’équipe se rend sur place pour effectuer des recherches et capturer des photographies[46],[47]. Le directeur artistique Aaron Garbut estime que représenter fidèlement les territoires des gangs de Los Angeles est particulièrement difficile sans expérience directe[37]. L’équipe de recherche de Rockstar, basée à New York, collecte des milliers de photos et vidéos, dont certaines sont intégrées comme textures dans le jeu[36],[37],[46].
L’univers de San Andreas s’étend sur 36 km² (14 mi²), soit quatre à six fois la taille de Grand Theft Auto III et Vice City[48],[45]. Chaque ville de San Andreas est approximativement aussi vaste que l’intégralité de Vice City[49]. Garbut note qu’en raison de cette expansion, il devient plus difficile de mémoriser la carte que celles des précédents opus[46]. L’équipe veille à ce que tous les éléments du jeu y compris le packaging et le marketing suivent une thématique cohérente afin de renforcer l’immersion des joueurs[50],[51].
Image représentant le Golden Gate Bridge
Image représentant les deux collines emblématique de San Francisco
Le Golden Gate Bridge qui a inspiré le Gant Bridge et les collines de San Francisco qui ont inspiré celles de San Fierro
Les liens de Rockstar North avec des natifs de Los Angeles, tels qu'Estevan Oriol (en), Mister Cartoon (en) et DJ Pooh (en), ont permis à l’équipe d’imiter de manière authentique la culture de rue des années 1990 de la ville[47]. L’objectif était de créer un monde ni trop « enfantin » ni trop précis, en privilégiant la « profondeur » à la taille purement quantitative. Aaron Garbut voulait que les joueurs aient la sensation de pouvoir « s'arrêter à n'importe quel moment et découvrir de nouvelles choses »[50],[37]. De nombreux lieux du monde réel inspirent les environnements du jeu : Compton influence les zones urbaines de Los Santos, et le Golden Gate Bridge est la référence pour le Gant Bridge[52],[53]. L'inclusion de montagnes, de forêts et d'un désert, des premières pour la série, enthousiasme particulièrement l’équipe[37],[54]. Les collines de San Fierro, basées sur celles de San Francisco, visent à orienter le joueur vers le gameplay lié aux véhicules[45]. Le concept de conduite dans la campagne s’inspire d'un point de vue technique de Smuggler’s Run de Rockstar[55]. Dan Houser, producteur et coécrivain, estime que le retour à Los Santos dans le dernier acte du jeu offre aux joueurs l’occasion de découvrir la ville sous un angle différent[56]. Pour chaque ville, Garbut définit des zones climatiques représentées par des couleurs de ciel distinctes : le rouge-orange pour Los Santos, le bleu pour San Fierro, et le rouge pour Las Venturas[36].
San Andreas utilise le moteur de jeu RenderWare pour sa conception[57]. Son pipeline de rendu a été réécrit pour offrir plus de détails graphiques et une plus grande portée[50], permettant d'afficher 35 à 50 % de polygones supplémentaires à l'écran[57], des réflexions en temps réel, un éclairage volumétrique, ainsi que des modèles et des jeux de lumière distincts pour le jour et la nuit[37],[45]. Selon Aaron Garbut, le monde du jeu contient environ 16 000 objets et bâtiments uniques[46]. Plusieurs bâtiments partagent un modèle à faible détail[48], ce qui permet de les charger au fur et à mesure que le joueur traverse la carte, sans les interruptions dues aux écrans de chargement présents dans Vice City[56]. Les textures sont créées en haute résolution, puis réduites pour les plateformes incapables de les supporter[48]. Les physiques de conduite ont été repensées par rapport aux jeux précédents, en tenant compte des vastes espaces ouverts de San Andreas[50]. Manhunt inspire les éléments furtifs de San Andreas[51], et la "physique" du ciblage et du gameplay de tir de Manhunt a été adaptée à la formule du monde ouvert[58]. Les progrès du scripting informatique ont permis aux développeurs de créer des fonctionnalités de jeu inédites, telles que les mini-jeux de casino[48].
Développement narratif et création des personnages
Plusieurs événements historiques ont influencé la narration de San Andreas, notamment le scandale Rampart du Los Angeles Police Department[59], l’épidémie de crack des années 1990 (en), les émeutes de Los Angeles de 1992[60], et la rivalité entre les gangs de rue Bloods et Crips[59]. Sam Houser a évoqué sa fascination pour l'apparence des gangs de rue et sa peur face à leur comportement[61]. Les scénaristes ont cherché à représenter la violence des gangs de manière réaliste, sans pour autant la glorifier[41], et souhaitaient que chaque gang ait son propre comportement, illustré par des styles de marche uniques[36].
DJ Pooh a été engagé pour coécrire le jeu du point de vue américain. La narration a été influencée par le cinéma hollywoodien ; Dan Houser a précisé que l’équipe avait regardé « des centaines de films pour capter l’ambiance de la Californie »[54]. Les développeurs se sont inspirés de films comme Boyz n the Hood (1991), Colors (1988) et Menace II Society (1993) pour leur scénario, et ont comparé les lieux du jeu à ceux de différents films : la campagne à Deliverance (1972), San Fierro à Bullitt (1968) et Las Venturas à Casino (1995)[57]. Les journalistes ont également repéré des références à d'autres films comme Juice (1992) et New Jack City (1991)[62],[63],[64],[65]. L’accent mis sur plusieurs communautés a été motivé par la diversité de la culture de la côte Ouest dans les années 1990[58].
Bien que les histoires soient largement indépendantes, San Andreas conclut une trilogie débutée avec Grand Theft Auto III, permettant à Rockstar d'explorer les années 1980 (Vice City), les années 1990 (San Andreas) et le début des années 2000 (GTA III)[58]. L'équipe estime que l'attention mondiale était portée sur la Californie dans les années 1990, notamment en raison de l'actualité et de la musique, ce qui se traduit bien dans le jeu[57].
Dan Houser explique que la satire du jeu vise la « bizarrerie générale » du consumérisme américain et des films d'action[50]. Il souligne que les scénaristes cherchaient à se surpasser mutuellement en matière d'humour[50]. L’objectif était de laisser aux joueurs la liberté de faire des choix tout en maintenant leur intérêt pour l’histoire[50]. Le jeu comprend plus de 400 acteurs vocaux et plus de 60 000 lignes de dialogue, dont plus de 7 700 pour CJ[50],[66]. San Andreas établit un record Guinness pour le plus grand casting vocal dans un jeu vidéo, avec 861 acteurs crédités[67]. Chaque personnage non-joueur dispose d’environ une heure de dialogue, contre dix minutes pour ceux de Vice City[57].
Image représentant Faizon Love à Porn Star Karaoke
Image représentant MC Eiht
Image représentant Shawn FOnteno
Image représentant Samuel L. Jackson
Faizon Love, MC Eiht, Shawn Fonteno et Samuel L. Jackson (de gauche à droite), issus du cinéma et de la culture hip-hop
Sam Houser souhaite un acteur inconnu pour incarner CJ, estimant que la performance de Ray Liotta en tant que Tommy Vercetti dans Vice City crée un « conflit » en raison de la notoriété de l'acteur et de ses rôles précédents. Il privilégie des célébrités pour les rôles secondaires, comme Samuel L. Jackson pour Tenpenny, et considère que l'anonymat relatif de Young Maylay dans l'industrie rend CJ « très, très humain »[68]. Rockstar repère Young Maylay après l’avoir entendu discuter avec DJ Pooh et lui propose une audition. Il décroche le rôle sa première performance en tant qu’acteur quelques semaines après l’essai[56]. Il estime que les développeurs lui laissent la liberté d’insuffler sa propre personnalité à CJ[56]. L’objectif est de faire de CJ un personnage « plus humain que jamais », avec « l’histoire la plus intense autour de lui », afin que les joueurs puissent s’identifier[41]. DJ Pooh compare CJ à Tupac Shakur pour son attachement profond à sa famille, tout en étant capable de devenir « impitoyable » lorsque nécessaire[69]. L’équipe considère que la possibilité d’ajuster le poids de CJ renforce l’idée que les actions du joueur ont des conséquences[57]. Dan Houser souligne que la personnalisation du personnage permet aux joueurs de mieux s’immerger dans l’histoire et les interactions avec les autres protagonistes[45]. DJ Pooh recrute également plusieurs autres acteurs pour le jeu, notamment Faizon Love, MC Eiht et Shawn Fonteno[36].
Composition musicale
Article détaillé : Musiques de Grand Theft Auto: San Andreas.
Rockstar s'associe à Interscope Records pour créer la bande-son du jeu[70]. La radio intégrée propose onze stations animées par vingt DJs, dont Axl Rose, Chuck D et George Clinton[71], et comprend plus de trois fois plus de morceaux sous licence et de publicités fictives que Grand Theft Auto III. Les fonctionnalités des stations de radio sont repensées : au lieu de boucles audio fixes, chaque station devient dynamique, permettant un ordre de lecture aléatoire des chansons, des prévisions météorologiques précises et des annonces d’actualité en lien avec l’histoire[72]. Michael Hunter compose le thème principal du jeu[73], en partie inspiré par son enfance et son exposition au hip-hop via Yo! MTV Raps (1988–1995)[36]. Interscope publie deux albums tirés du jeu : un double album en novembre 2004[74], suivi d’un coffret de huit disques en décembre[75]. Les versions postérieures à la PlayStation 2 ajoutent une station de radio supplémentaire permettant d’importer une bande-son personnalisée.